Indonésie : pionniers des temps modernes.
Les explorateurs de leur époque ...
Par chèque à l’ordre de Pasar Malam, 11€00*, frais d’envoi compris, 14 rue du Cardinal Lemoine, 75005
Illustration couverture : « Tout ce que Superman sait faire, Petruk le fait »,
2010, technique mixte, huile sur toile, Sri Astari, avec son aimable autorisation.
Indonésie : pionniers des temps modernes
Les explorateurs de leur époque...
L’éditorial de Johanna Lederer
Le héros classique se présente le plus souvent sous les traits d’un homme paré de qualités extraordinaires. Un rapide coup d’oeil dans la mythologie grecque, notamment dans les tragédies d’Eschyle, nous apprend que le héros vit des conflits comparables à ceux des divinités. À moins que ce ne soit le contraire.
Tel n’est pas le cas des héros modernes de ce numéro 11 du Banian.
Les héros ici sont souvent des… héroïnes, pionnières dans un domaine chacun bien à elles.
Kartini, la primordiale, la reine d’entre toutes. Non pas pour des raisons linguistiques – elle n’a pas été la seule, ni la première à avoir écrit directement en néerlandais – mais pour sa détermination toute en douceur, sans violence, telle la « bouddhiste » javanaise qu’elle fut, comme nous pouvons le lire, page 7, dans l’article d’Étienne Naveau, un bel hommage à l’intelligence de cette femme, à la fois tourmentée et sereine. Disparue trop jeune, on retient d’elle son amour pacifique du progrès. Du haut de ses vingt ans, R. A. Kartini savait formuler et définir ses objectifs : défendre la cause du peuple, mais aussi celle de la femme.
Le premier, victime de la loi du colonisateur, la deuxième, doublement victime de la loi des hommes et du colonisateur. Et, en fait, triplement victime, comme le souligne Étienne Naveau : les femmes étaient soumises à l’autorité de leur père, frère, mari, à l’autorité de l’occupant hollandais, enfin à celle d’une interprétation conservatrice de l’islam.
R. A. Kartini avait des soeurs. Ainsi, dans l’article de Gita Murti, vous pouvez rencontrer, page 47, la combattante acihaise Cut Nyak Dhien et apprendre qu’il y eut d’autres femmes, héroïques, à qui le destin de certains royaumes d’Aceh (Sumatra) fut confié. S’il ne s’agit pas à proprement parler d’un article historique, il témoigne de l’ardeur d’une Indonésienne envers une des héroïnes de son panthéon. Ceci, indirectement, peut nous apprendre quelque chose sur le rapport « mythique » que les Indonésiens ont à leur histoire. Nous avons aussi pensé qu’il est important de montrer que l’archipel a produit des femmes capables d’assumer des rôles dirigeants, comme Cut Nyak Dhien, chef militaire commandant toute une armée d’hommes. Ces femmes n’avaient pas à rougir de leur position sociale devant leurs contemporains féminins occidentaux.
En fin de ce numéro 11, faites connaissance avec la Soundanaise (Java ouest), Soewarsih Djojopoespito, l’insoumise, la « désobéissante civile ». Comme Kartini l’aristocrate, Soewarsih, issue d’un milieu modeste, écrit en néerlandais et, comme Kartini, elle est consciente de la place que les Indonésien(ne)s doivent prendre dans les années immédiatement avant l’indépendance.
Gerard Termorshuizen, nous rappelle ce que S. Djojopoespito (dont un extrait de la notice nécrologique est reproduit à la page 223) écrivait à propos du rôle politique que devait jouer la jeunesse indonésienne : « […] pour nous, jeunes Indonésiens il n’y a pas de jeunesse. Une fois l’école terminée, une tâche difficile nous attend, celle d’être les dirigeants de notre peuple ».
Elle mènera une vie plus longue que Kartini et plus âpre aussi.
Comme le montrent les extraits de son roman autobiographique Buiten het Gareel (Hors du joug), écrit en 1940 et traduit en 1975 par l’auteure elle-même sous le titre Manusia Bebas, (« Les hommes libres ») – extraits sélectionnés, commentés et traduits par Jacqueline Camus – Soewarsih Djojopoespito fait le choix de mettre sa formation au service de son peuple. Elle opte résolument pour l’enseignement dans des écoles «sauvages» non subventionnées et pourchassées par le colonisateur hollandais. Elle reste pauvre, et préfère ne pas rester «in het gareel», à l’intérieur d’un système, qui certes garantit une existence plus confortable
sur tous les plans, mais infiniment conventionnelle, où l’individu n’a plus rien à faire que de se soumettre aveuglément, comme un bœuf harnaché, à l’autorité d’un maître capricieux et inique.
Si Kartini, Cut Nyak Dhien et Soewarsih ont atteint une certaine notoriété chez elles et hors des frontières, il n’y a pas de raison pour ne pas consacrer quelques lignes à la grande dame de Manado (Sulawesi).
C’est ce qu’a fait avec talent Chrisvivany Lasut au sujet de son aînée compatriote Maria Maramis. Cette pionnière s’appuyant sur la culture et l’enseignement pour promouvoir le rôle social et politique des femmes, a contribué grandement à l’obtention pour les femmes, du droit de vote à des élections régionales, dès 1921!
S’il est vrai que des sujets comme la «politique éthique» (mise en place par le gouvernement hollandais en 1901, cette « mission civilisatrice» devait remplacer une politique où seuls comptaient les bénéfices à tirer d’une colonie), ou encore l’«exportation», dès 1873, des Javanais vers le Suriname pour y travailler sur des plantations (voir l’article par Dominique Maison, page 105) ne sont pas abordés par ces pionnières, chacune, selon leur origine et éducation initiale, fait preuve d’un courage absolu : emprunter et explorer – seule – des chemins qui ne figurent sur aucune carte...
Cela vaut aussi pour celles qui ne sont pas (encore?) déclarées officiellement «héroïnes nationales» : bravo à Bénédicte Milcent, Julia Suryakusuma, Gabrielle Wittkop, ainsi qu’à Apsanti, peintre et Sonia Prabowo, photographe, toutes des femmes qui ont fait le choix conscient d’une profession qui est aussi et surtout une mission où hypocrisie et préjugés sont combattus pied à pied.
En somme des femmes comme vous et moi. La témérité en plus!
Et les hommes, me direz-vous? Il y en a!
Lisez les aventures que sont la vie du Comte de Beauvoir, de Daendels, Hadi Soesastro, Théodore Leschenault de la Tour, Pramoedya Ananta Toer, Rimbaud, Tan Malaka, Umar Said et vous saurez qu’eux aussi, tout comme leurs soeurs ci-dessus, sont des pionniers et des héros pour avoir fait ce qu’ils pouvaient, là où d’autres n’ont rien fait (mes excuses à Romain Rolland et Jean-Christophe !).
Pour terminer, nous vous souhaitons de bonnes vacances estivales et une excellente lecture ! Ne ratez pas la rubrique « Français, langue exotique ? », pas davantage que les poèmes de Marie-Claude Gavard, Ketut Yuliarsa (traduit par Kunang Helmi) et de Saut Situmorang (traduit par François-René Daillie), ni la photo de la statue du Prince Diponegoro de Martin Jenkins.
Et concluons avec Kartini : Oh c’est tout simplement merveilleux de vivre aujourd’hui! La transition de l’ancien vers le nouveau! (O heerlijk dat wij juist leven in deze tijd! De overgang van het oude in het nieuwe!).
Le Banian, n° 11, juin 2011, ISSN 1779-8485, ISBN 978-2-9525727-6-7
publication semestrielle, fondée en décembre 2005 par Johanna Lederer
Renseignements : Association Pasar Malam, 14 rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris
Tél. 01 56 24 94 53,
courriel afi.pasar-malam@wanadoo.fr
Directeur de la publication : Johanna Lederer
Comité de rédaction : François-René Daillie, Dominique Maison, Etienne Naveau, Hélène Poitevin, Radhar Panca Dahana, Georges Voisset, Monique Zaini-Lajoubert
Conception graphique : Thomas Frisch
© Pour les traductions et les illustrations
Prix 8 euros (hors frais d'envoi)
Dépôt légal au 1er semestre 2011
Imprimé par CPI Firmin-Didot
Disponible aussi à la librairie
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