Islam, protestantisme, catholicisme, bouddhisme, hindouisme, confucianisme. La religion, une obligation en Indonésie
N° EPUISÉ
Sommaire
Johanna Lederer > Éditorial
… Hindouisme, bouddhisme en Indonésie
- Michel Picard> L'invention de la religion balinaise comme Agama Hindu et ses implications
- Dominique Maison > Bouddha est-il soluble dans les Pancasila ? Tribulations contemporaines du bouddhisme en Indonésie
… Musulmans, Chrétiens et religion traditionnelle en Indonésie
- Bambang Noorsena > L’unicité de Dieu dans le dialogue théologique islamo-chrétien
- Cécile Barraud > Notes sur la situation religieuse dans l’archipel de Kei, aux Moluques
- Elise Bas > Chrétiens d’Indonésie : un droit de cité à géographie variable
- Anda Djoehana Wiradikarta > La religion traditionnelle à Java
- Chrisvivany Lasut et Dominique > Répandre l'eau, creuser le sable. Un rituel shamanique à Minahasa
... Poésie
- Taman de Joko Pinurbo
- A corps en errance, âme errante de Jean Couteau
... Portfolio
Deniek G. Sukarya
...Un grand spécialiste de l'Asie du Sud-Est
Étienne Naveau > Denys Lombard philosophe et islamologue
… La religion, les femmes et les enfants
- Andrée Feillard et Pieternella van Doorn-Harder >Une nouvelle génération féministe au sein de l’islam traditionaliste : Une exception indonésienne ?
- Wening Udasmoro, Dyah Dina Kusumayanti, Niken Herminningsih > La religion dans la littérature de jeunesse et dans les médias en Indonésie
… Rubriques
L'indonésien, langue exotique?
- Hélène Koloway Le Quéllec
- Wuwun Wiati Hély
Compte rendu de lecture :
- L’histoire à parts égales de Romain Bertrand par Huguette Fugier
- Ikan Tanpa Salah d’Alfred Birney par Sita Satoeti
- Adriaan Van Dis à Paris : rafraîchissant et généreux par Dorien Kouijzer
- La quête de Semar de Sindhunata par Michel Cazenave
- Héritiers de la culture du monde - Etre indonésien 1950-1965 de Jennifer Lindsay et Maya Liem par Kunang Helmi
Pages retrouvées : La traduction de Hikayat Hang Tuah par Hans Overbeck de Jean-Claude Trutt
Les Bonnes feuilles :
Les chrysanthèmes --> nouvelle inédite de Leila Chudori.
Éditorial
Johanna Lederer
Lorsque j’ai pris la décision de consacrer un numéro du Banian à la religion, c’était pour pouvoir donner une réponse mesurée à la question que l’on me pose souvent : pourquoi l’athéisme n’existe-il pas (officiellement) en Indonésie ?
La religion est une façon pour l’homme de se lier aux autres hommes et au divin, une démarche accompagnée d’une pensée critique, ou au contraire d’un esprit superstitieux.
Si la France (où la religion majoritaire est le catholicisme), depuis la loi de séparation des Églises et de l'État du 9 décembre 1905, se range parmi les états laïques, l’Indonésie avec l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme et le confucianisme (ajouté en 2000 par le président Abdurrahman Wahid), est un état plurireligieux où se côtoient quasiment toutes les principales religions du monde. Seule, la religion juive est absente.
En lisant les articles de ce Banian, spécial religion, le lecteur est confronté à une réalité complexe, voire … contradictoire.
La constitution indonésienne garantit la liberté de religion mais elle ne permet de choisir que le monothéisme (le panthéisme n'est autorisé que si un dieu suprême est désigné). Ainsi, tous les Indonésiens doivent adhérer au principe qu’il existe un Dieu et qu’il est unique. (Ketuhanan yang maha esa).
Avec une population évaluée à plus de 230 millions d’âmes, dont 82% de musulmans, l’Indonésie compte parmi les pays les plus peuplés du monde (4e) et est considéré comme le pays à majorité musulmane le plus peuplé.
La carte d’identité de tout citoyen indonésien indique obligatoirement son choix religieux. Et celui qui ne le fait pas, reçoit, par défaut, le tampon « musulman ».
L’obligation d’avoir une religion –et son pendant, l’interdiction de blasphémer – date de l’époque de Suharto, 2e président d’Indonésie, qui d’une main féroce combattait le communisme. Or beaucoup de communistes indonésiens étaient aussi des athées convaincus.
La religion tient une place très importante en Indonésie. Plus que partout ailleurs au monde les religions majeures d'autres pays sont accueillies et adaptées harmonieusement aux anciennes traditions animistes. Les religions traditionnelles ne sont pas, en effet, négligeables et de nombreux Indonésiens continuent d'adhérer aux vieilles croyances populaires, même après avoir embrassé l'une des «grandes» religions. L'animisme ou la croyance en des objets animés –qu’ils soient faits par l’homme ou par la nature (les grands et anciens arbres comme le banian, les montagnes, les sources, les grottes, etc.)– et le culte des ancêtres restent une pratique répandue en Indonésie.
Les rituels chamaniques assurent, aujourd’hui encore, le contact entre les mortels et le monde des esprits et des dieux.
C’est peut-être ce qui manque dans notre univers électronique, des chamanes pour nous aider à mieux préparer l’au-delà. Lisez l’histoire édifiante du mariage religieux au paradis.
Sur le point de se marier, un jeune couple qui croit en Dieu et en l’Éternité est tué dans un accident de voiture. Le duo se retrouve aux portes du paradis. Les jeunes gens se demandent si au paradis ils peuvent se marier religieusement et posent la question au gardien de l’Éternel.
«Je ne sais pas. C'est la première fois que quelqu'un me demande ça. Attendez-moi ici, je vais me renseigner».
Le couple s’assied et attend, attend ... Trois mois s'écoulent et le couple attend toujours. Pendant ce long temps d'attente une série de questions leur vient à l'esprit : en cas d'autorisation quel serait le statut de leur mariage? Serait-ce pour toujours ? Et si ça ne fonctionnait pas? Pourraient-ils se séparer ? Ou seraient-ils condamnés à rester ensemble pour l'éternité?
Enfin, le gardien est de retour, un peu agité, il confirme la possibilité de se marier religieusement au paradis.
"Génial!" s'exclament les deux jeunes gens, ajoutant aussitôt "Mais on se demandait, si ça ne marche pas, on pourrait quand même divorcer ?"
Le gardien des lieux, le visage rouge de colère, s'écrie : "Et puis quoi encore! Il m'a fallu trois mois pour trouver un ecclésiastique qualifié dans ces lieux-ci ! Avez-vous idée combien de temps ça me prendrait pour trouver un avocat . . . ?! "
Sur ces mots, bonne lecture !