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Le Banian n° 14, Décembre 2012

La question de l'environnement en Indonésie

Par chèque à l’ordre de Pasar Malam, 12€, frais d’envoi compris, 14 rue du Cardinal Lemoine, 75005.

Banian 14

Le sommaire et l'éditorial :

  • Johanna Lederer > Avant-propos
  • Frédéric Durand > Edito
  • Anne-Marie et François Sémah > L'environnement des Homo erectus de Java
  • Daniel Perret > L'exploitation traditionnelle des ressources naturelles et agricoles dans la province de Sumatra Nord
  • Frédéric Durand > Des forêts indonésiennes prétendues « inépuisables » au moratoire d'exploitation de 2011
  • Bernard Sellato (entretien) > Les Dayaks de Bornéo à l'heure de la mondialisation
  • Antonio Guerreiro > Conservation de la biodiversité et gestion des ressources forestières : le dilemme de la croissance à Kalimantan
  • Cédric Gouverneur > Palmiers à huile contre forêt
  • Jean-Marc de Grave > Environement et ascèse : l'exemple de Ndara Hari et d'autres maîtres javanais
  • Olivier Dequincey > Lusi, le volcan de boue de Sidoarjo
  • Anne-Fleur Delaistre > Citarum, le fleuve le plus pollué du monde
  • Cécile Renouard & Anda Djoehana Wiradikarta > Les collecteurs de déchets en Indonésie : des « damnés de la terre » ?
  • Darwis Khudori > Deux poèmes
  • Doddy Iswahyudi > Cartoons
  • Stéphane Dovert > Halim, Pierre & le loup
  • Yann Quero > Hutan le démon de Bornéo (et les 7 vagues humaines)
  • Pierre Stumm > Photos, Les Moluques, 2012
  • Dominique Maison > L'indonésien, langue exotique ?
  • Frédéric Durand > Feuilles retrouvées
  • Daniel Perret > Compte-rendu de lecture : Georges Voisset, Contes sauvages
  • Iswan Sual > Dommage que Toar n'ait pu atteindre le Tetewatu ! nouvelle traduite par Odile Loiret
  • Dessins par Doddy Iswahyudi

Avant-propos

Le Banian spécial environnement est particulier dans la mesure où, s'il suit de manière générale la disposition comparable aux numéros précédents, avec les rubriques habituelles et des articles variés tout en respectant le thème central, l'ensemble a une saveur d'inédit qui évoque, à la fois, le goût de la rigueur et de l'imaginaire.

La lecture de ce n° 14 prouve, s'il le fallait, qu'en effet, l'environnement - l'eau, l'air, les animaux, les arbres et les plantes - n'est pas mis à disposition de l'homme seul.

Ce sujet, très présent dans notre société moderne, que ce soit dans les débats politiques ou dans la société en général, de façon directe ou plus subtile, demande un savoir technique, sociologique, biologique, anthropologique. C'est pour cette raison que j'ai demandé à Frédéric Durand, géographe et écrivain, spécialiste d'Asie du Sud-est, d'en être le rédacteur en chef.

Je crois avoir pris la meilleure des solutions ! Non seulement il a accepté sans hésitation, trouvé des contributeurs d'horizons divers, agencé un ordre cohérent, mais aussi, il a conçu un ouvrage dans le style Banian, c'est-à-dire un ensemble harmonieux, captivant et accessible pour tous.

Merci Frédéric.

Johanna Lederer

Editorial

L'environnement : une question essentielle pour l'Indonésie

L'"environnement" est un sujet particulièrement délicat et souvent difficile à cerner, dans la mesure où ce terme recouvre des sens très divers. Pour certains, il concerne surtout la « nature » peu perturbée, dont l'homme est généralement largement exclu. Pour d'autres, il touche également toutes les questions ayant un lien avec les sociétés, jusqu'à l'environnement urbain et industriel. En Indonésie, les questions environnementales se doublent souvent d'une certaine méfiance, voire d'une réelle défiance. Les Occidentaux se positionnent en effet fréquemment en donneurs de leçons, même si, dans un certain nombre de cas, ils ont pu être à l'origine d'une partie des problèmes, notamment par leurs pratiques à l'époque coloniale ou via les conseils discutables de certains experts contemporains. Parallèlement, des institutions indonésiennes ont pu se sentir attaquées pas des discours paternalistes ou militants, ce qui les a amenées à l'occasion à des attitudes contre-productives, ou en décalage avec ce qu'il aurait été souhaitable de mettre en oeuvre. Le fait que des intérêts financiers considérables soient en jeu, parfois à hauteur de dizaines ou centaines de milliards d'euros, n'a pas aidé non plus à dépassionner ou à clarifier les débats, surtout pendant la période de l'Ordre nouveau dominée, comme l'a dénoncé le peuple indonésien, par la corruption, la collusion et le népotisme. À ce titre, on peut signaler un changement d'attitude ces dernières années, qui est notamment illustré par la déclaration du Président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono en juin 2012 à un représentant de l'ONG Greenpeace, selon laquelle son gouvernement et la très militante association de défense de l'environnement « étaient dans le même bateau et partageaient le même rêve ». Les enjeux sont en effet considérables et si l'environnement peut être source d'espoir, sa mauvaise gestion pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les générations futures. De fait, même si l'on constate des améliorations dans certains domaines, ce numéro spécial sur l'environnement du Banian ne cherche pas pour autant à éluder les problèmes, ni à donner dans le registre du « politiquement correct ». Quand cela est fait dans un esprit constructif, il est souvent préférable de montrer l'importance des obstacles et d'énoncer les difficultés en se confrontant à la réalité crue des faits et des chiffres, plutôt que de s'illusionner sur des bonnes pratiques de façade et de constater a posteriori des dégâts parfois irréparables.

Étant donné l'ampleur et la complexité du sujet, ce numéro ne peut pas aborder tous les aspects de l'environnement. Parmi bien d'autres, certaines questions pourtant importantes, comme par exemple la situation des espaces et milieux marins, la dimension architecturale de l'environnement urbain, ou bien le délicat choix du pays d'amorcer ou non une filière nucléaire ne seront pas abordées ici, faute de place ou de personnes ayant suffisamment étudié la question. Tel quel, ce numéro spécial présente néanmoins de nombreuses facettes de l'environnement en Indonésie, en montrant notamment que, contrairement à ce que beaucoup pensent, il ne s'agit pas d'une préoccupation « récente », ni de phénomènes dont seuls les pays de la première industrialisation devraient se préoccuper.

L'article d'Anne-Marie et François Sémah sur l'environnement à Java voilà 1,5 million d'années fait ainsi prendre conscience que les milieux ont été transformés de longue date, y compris par le célèbre Pithécanthrope. Plus récemment, mais encore dans le passé, l'article de Daniel Perret sur l'exploitation traditionnelle des ressources à Sumatra Nord du IXe au XIXe siècle montre quant à lui que les pratiques anciennes des populations locales et que l'essor de l'agriculture et du commerce avec l'Occident ont eu très tôt un impact non-négligeable sur le couvert forestier naturel de certaines régions. Le texte de Frédéric Durand sur l'évolution des politiques forestières de la fin de la période coloniale aux années 2010, permet une articulation avec le contemporain, en soulignant les adaptations souvent difficiles et certaines contradictions auxquelles ont été confrontés le pouvoir central et les communautés locales dans la gestion des forêts de l'archipel.

Les trois textes suivants se concentrent sur Bornéo pour montrer les ambigüités des comportements et des politiques de « développement » qui, sous couvert de mise en valeur des ressources, peuvent aboutir à de graves dégradations voire à de véritables catastrophes écologiques. Ainsi, l'interview de Bernard Sellato met en lumière les difficultés d'adaptation des Dayak dans la mondialisation, mais brise également un certain nombre de clichés ou d'idées reçues sur les traditions des peuples dits « forestiers », dont le comportement peut s'avérer beaucoup plus pragmatique qu'on ne le pense parfois, quitte à renoncer à une partie de leur héritage culturel. Dans le prolongement de ces questions, Antonio Guerreiro s'intéresse plus particulièrement à la conservation de la biodiversité et à la gestion des ressources forestières face à la pression de la mise en valeur économique des provinces de Kalimantan. Cédric Gouverneur, dans un article plus militant reproduit du Monde Diplomatique, s'attache à travers portraits et panoramas successifs à souligner les enjeux économiques et les risques environnementaux découlant de l'essor du palmier à huile à Bornéo.

Trois autres articles optent pour des approches très différentes de l'environnement à Java. Celui de Jean-Marc de Grave montre les relations spirituelles qui peuvent s'y tisser entre l'homme et la nature. Cette approche pourra décontenancer les lecteurs tenants d'une vision strictement matérialiste du monde. Elle n'en est que plus précieuse pour entrapercevoir, le temps d'anecdotes surprenantes, la complexité profonde des rapports homme/nature. L'étude d'Olivier Dequincey, sur le volcan de Sidoarjo permet ensuite de mieux comprendre les polémiques entourant l'éruption d'un immense volcan de boue à Java-Est, entre les partisans d'une origine naturelle et ceux d'une responsabilité humaine, sans oublier les effets politiques et humains qu'entraine ce phénomène géologique exceptionnel. L'article d'Anne-Fleur Delaistre s'intéresse enfin à la pollution du fleuve Citarum, qui alimente notamment en eau les villes de Jakarta et Bogor, et qui est souvent présenté comme le fleuve le « plus pollué » de la planète.

Un dernier article, par Cécile Renouard et Anda Djoehana Wiradikarta, se penche sur la situation des pemulung, ou collecteurs de déchets dans plusieurs régions de l'archipel et particulièrement à Tangerang Selatan, dans la banlieue de Jakarta. Il illustre bien l'importance des différences de conceptions entre l'Indonésie et l'Occident, car ce n'est pas tant la nature de l'activité en relation avec les déchets qui s'avère une source de « honte » que le fait que ces collecteurs soient généralement des migrants et donc coupés de leur société d'origine.

La dimension « environnementale » de ce numéro du Banian ne s'arrête pas à ces études. De fait, il comprend également deux textes à caractère plus littéraire, qui chacun à leur façon ont été inspirés par des éléments de la nature indonésienne. « Halim, Pierre et le Loup » de Stéphane Dovert traite ainsi sous forme de fable contemporaine de la préservation des espèces menacées et de la conservation de la biodiversité, particulièrement en Papouasie occidentale. De son côté, la nouvelle de Yann Quero : « Hutan : le démon de Bornéo (et les 7 vagues humaines) », se penche sur le devenir des divinités forestières, confrontées à l'arrivée de populations humaines au cours des derniers siècles et millénaires. Le lecteur curieux d'approfondir les questions environnementales trouvera également en fin de volume une liste, forcément très incomplète et d'une subjectivité obligée, de quelques ouvrages présentant des approches différentes de l'environnement.

Frédéric Durand