Les années trente : Des Indes néerlandaises vers la République d'Indonésie
Couverture : Eglise de Pohsarang Kediri, Java, construite
en 1936 par Henri Maclaine Pont, photo Mahatmonto
Sommaire
Editorial « Des Indes néerlandaises vers la République d'Indonésie »
Robert Aarsse, Aux origines du PKI, Sneevliet à Java, 1913 – 1918
Jean-Luc Aguerra, L'objet d'une rencontre : le pendentif de Ghislaine
Thomas Beaufils, Des trésors indonésiens partis en fumée
François-René Dallie, Pantun et pantoum, le fantôme de Victor
Bernard Dorléans, L'exploitation coloniale et les mouvements nationalistes en Indonésie de 1825 à 1945
Martine Estrade, La création d'un Bali littéraire et mythique
Saraswati Gramich, Le français, langue exotique ?
David Hanan, Traditions minangkabau, réforme islamique et droits de la femme dans deux films de la fin de la période coloniale à Sumatra-Ouest Kunang
Helmi Picard, Radical Chic
Ibrahim Isa , L'émergence d'une nation : l'Indonésie
Peter Keppy, Le keroncong, les femmes et le combat de l'Indonésie pour la modernité, 1900-1940
Etienne Naveau, Amir Hamzah, poète indonésien
Solange Paul-Cavallier, Lointain intérieur
Josef Prijotomo, Vers la modernité dans l'Indonésie des années 1920-1940
Jean Rocher, Rijsttafel et années trente
Kees Snoek, La lutte multiple de Sutan Sjahrir
Monique Zaini-Lajoubert, La «polémique sur la culture », 1935-1939
Photo bureaux par F.J.L.
Ghijsels Laksmi Pamuntjak, Le journal de R.S., nouvelle inédite
Editorial
Johanna Lederer
Si Le Banian, troisième numéro (mais quatrième sortie) est consacré à une période, appelée ici rapidement, les « années trente », c'est que celle-ci est très riche en évènements qui forment les traits caractéristiques du visage de l'Indonésie actuelle. Une période exaltante avec une vie politique en ébullition, avec l'intensification des luttes pour l'indépendance, bien sûr, mais aussi avec la naissance de cercles littéraires, de confédérations du travail, et avec une curiosité nouvelle ou accrue pour le cinéma, la musique et la danse indonésiennes – dont le célèbre spectacle de danse et chant kecak, créé à Bali en 1930 par Wayan Limbak pour le film Insel der Dämonen(L'île des démons) du peintre allemand Walter Spies, ou la danse legong qui a donné son nom au film tourné en 1930 à Bali par le Français Henri de La Falaise.
L'architecture occupera une place importante dans ce numéro qui voudrait évoquer l'histoire de l'héritage d'une certaine époque de l'Indonésie moderne.
Si plusieurs villes indonésiennes offrent de beaux exemples du plus pur style d'Art Déco tropical, c'est Bandung qui, aujourd'hui encore, compte comme la ville la plus « années trente », privilège qu'elle partage avec deux autres villes tropicales Miami (Florida) et Napier (Nouvelle Zélande). Si depuis longtemps elle ne peut plus prétendre au titre qu'elle portait jadis, « Bandung, Parijs van Java » (Bandung, le Paris de Java), la ville est toujours aujourd'hui la plus grande vitrine Art Déco de l'Indonésie avec une centaine de bâtiments imposants, dont le Gedung Merdeka (bâtiment de l'Indépendance), entièrement refait dans les années vingt, qui a accueilli Chou-en-Lai, Nasser, Nehru etc. à la première conférence des pays non alignés, organisée par Soekarno en 1955.
Soekarno, personnage très actif pendant la période décrite dans ce numéro et architecte formé par l'Institut de Technologie de Bandung (école et bâtiment créés par les Hollandais dans les années vingt), devenu par la suite le premier président de l'Indonésie, qui est à la fois père fondateur de la nation et grand frère (Bung comme on l'appelait affectueusement), a parfaitement compris et assimilé l'importance du symbolique architectural dans la ville. Contrairement à un pays comme le Brésil qui a construit Brasilia spécialement dans ce but, Soekarno n'a pas changé de capitale, n'a pas choisi Bandung, (il en était plus ou moins question), mais a maintenu l'ancienne Batavia créée par les Hollandais, aujourd'hui Jakarta, comme la capitale de la République d'Indonésie. C'est donc dans la capitale qu'il construit, avec grandeur, visibilité et magnificence, entre autres, le Monument National (Monas) et la mosquée Istiqlal (indépendance en arabe). Tous deux, sont de bons exemples de communication maîtrisée, la mosquée qui communique sur un plan religieux, le Monas sur un plan laïc. Ce dernier, construit sur l'ancienne et coloniale Place du Roi (Koningsplein), aujourd'hui nommée Medan Merdeka (Champs de bataille pour la liberté), montre un énorme et puissant obélisque, surmonté d'une flamme, jaillissant d'un socle massif et carré, symbolisant, sans doute, le yin et le yang, fécondité de l'ère ambiante…
Nous espérons que vous aurez autant de plaisir à lire ce Banian que nous en avons eu à le concocter. Tous nos remerciements enthousiastes aux contributeurs pour leurs articles écrits ou traduits avec grand sérieux et grande générosité (pensez que Le Banian est tout petit).
Une remarque-on n'y résiste pas- à propos de l'article sur le rijsttafel, ou la « table de riz » qui est, comme on l'apprend dans l'article de Jean Rocher , une invention typiquement hollandaise datant de l'époque coloniale. En effet, on trouve le rijsttafelen premier sur le menu de tous les restaurants indonésiens aux Pays-Bas. Alors qu'en Indonésie il faut, pour le goûter, se rendre dans un restaurant pour touristes… Le concept de rijsttafel lorsqu'on y pense, est en fait très bizarre, puisqu'il consiste à se servir du riz en y ajoutant beaucoup de différents plats de viande, de légumes, etc. Plus il y en a dans l'assiette, mieux c'est. Le résultat est un féroce mélange de plats originaires de Java, de Sumatra, de Bali et d'autres îles encore. Un acte barbare ... Car en Indonésie on ne mélange pas les différentes spécialités.
Ni aux Pays-Bas, d'ailleurs. Y aurait-on l'idée de servir de la choucroute au fromage fondu, avec quelques harengs vinaigrés, le tout arrosé de soupe aux poids cassés ?
Un remerciement spécial à Monsieur Mahatmanto, architecte indonésien, spécialiste de l'architecture coloniale qui, après une thèse sur Maclaine Pont (architecte néerlandais des années vingt et trente), enseigne à l'Universitas Kristen Duta Wacana, Yogyakarta et à qui nous devons la très belle illustration de la couverture.
Le Banian n° 3, juin 2007, 204 pages, 6€ hors fais d'envoi. ISSN 9771779848001